En manque de blockbuster boursoufflé et dopé au CGI baveux ? Netflix profite de l'absence de concurrence des salles pour distribuer à l'internationale un space opera cyberpunk de presque deux heures vingt. Space Sweepers, qu'on doit à Jo Sung-hee et une équipe de créateurs d'effets spéciaux largement influencée par les cadors du genre, semble à première vue pensé pour nous faire péter la rétine. Et il ne faillit presque pas à la tâche.

Une bande de casse-cous au passé trouble et à la morale élastique survit en vendant les épaves qui polluent l'orbite terrestre. Mais au détour de leurs pérégrinations, ils tombent sur une petite fille et se rendent compte qu'il s'agit d'un androïde recherché par les autorités et garni par un groupe terroriste d'une bombe dévastatrice. Un pitch plutôt passe-partout, du moins plutôt passe-partout à l'époque où les seuls blockbusters n'étaient pas des séries ou des exclusivités Disney+.

Car Space Sweepers est un blockbuster complètement décomplexé, assumant volontiers la débauche de VFX qui s'y niche et le schématisme de son intrigue. Le film multiplie les archétypes s'épanouissant la plupart du temps dans le cinéma américain, des hors-la-loi au grand coeur et au petit porte-monnaie qui se découvrent une humanité au contact d'un adorable marmot au patron gentil,-mais-en-fait-il-veut-détruire-le-monde. Sans jamais endormir son spectateur grâce à quelques rebondissements classiques, mais bien dosés, il préfère se concentrer sur son traitement du space-opera, genre bien vivant depuis le retour de Star Wars et Les Gardiens de la Galaxie.

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D'où la réussite de l'univers convoqué, aux forts relents cyberpunk. D'ailleurs, le tout premier plan cite ouvertement le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve et sa photographie mémorable en dévoilant une Terre déglinguée jusqu'au dernier lopin de terrain. Les humains n'y vivant pas subsistent difficilement dans le champ de ruine déployé autour de la planète ou se dorent la pilule dans un Eden temporaire fabriqué par une multinationale digne héritière de la start-up nation. Bref, c'est Elysium sans le discours social lourdingue.

SPACE COWBOYS

Le long-métrage prend bien soin de ce monde décrépi, où les tableaux de bord ressemblent à des micro-villes clignotantes et les vaisseaux à des déchèteries supersoniques. La direction artistique est donc reine, surtout quand la narration lui octroie les pleins pouvoirs, comme dans la scène de la boite de nuit, dont l'exubérance ravira les esthètes du pixel et les mélomanes du dubstep. L'univers déployé, ainsi que l'absence agréable d'obligations mercantiles (pas de franchise en vue, mon capitaine) autorise aussi l'accomplissement d'un fantasme américain très rarement atteint : une vision d'un vrai melting-pot humain, où toutes les langues se croisent et interagissent entre elles grâce à des traducteurs presque implantés directement dans l'oreille de la population. S'y mêlent des Russes, des Allemands, des Coréens, des Espagnols, des Français (ou des Belges, qui sait ?) et toutes les nationalités que notre oreille experte n'a pas su identifier, dans un joyeux cocktail linguistique à la fois utopique et dystopique. Le terreau parfait pour une galerie de personnages réussis. C'est le nerf de la guerre dans ce genre de productions, où l'omniprésence des effets spéciaux nécessite des points de repère tangibles. Mission accomplie, moins grâce à quelques sous-intrigues personnelles parfois un peu bancales qu'à un casting royal. Song Joong-ki se fait d'ailleurs un peu manger par ses acolytes campés par Jin Sun-kyu (vu dans Le Bon, la Brute et le Cinglé et The Outlaws), Kim Tae-Ri, dont le charisme découvert dans Mademoiselle n'a pas faibli, mais aussi un Richard Armitage improbable, déguisé en Mark Zuckerberg mutant.

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SPACE JUNK

Toutefois, la vraie force de l'univers développé par Space Sweepers reste de capitaliser à fond sur l'idée d'un espace souillé par nos déchets, retournant en même temps à son avantage les contradictions du space-opera classique. Comme dans Star Wars, Star Trek et compagnie, tout le monde évolue dans des structures technologiques spectaculaires. Sauf qu'ici, les héros sont ceux qui nettoient derrière, littéralement des balayeurs de l'espace. Résolu à rester dans l'ombre des méga-productions américaines (le climax se déroule sur une étoile noire miniature), le film du même nom s'attèle à questionner leurs restes. C'est la raison pour laquelle les premières minutes fonctionnent autant. La découverte de ces bas-fonds économiquement instables et menacés en permanence par les déchets orbitaux passionne, et promet le meilleur pour ces deux heures d'aventure. Malheureusement, c'est aussi là la limite de la production, qui met certes en scène un cadre passionnant généré par des CGI de qualité, mais qui s'empêche de l'exploiter pour de véritables instants de bravoure spatiaux, lesquels se concentrent au tout début et à la toute fin.

Au milieu, l'intrigue et la réalisation éludent les situations mouvementées, un comble pour un blockbuster revendiquant aussi violemment son statut de divertissement. La moindre poursuite se dégonfle, la moindre baston se rabougrit, au grand dam de l'amateur d'action intersidérale. Ce n'est pourtant pas comme si Jo Sung-hee était incapable de faire s'envoler sa caméra. Les séquences de poursuite qui encadrent son film, bien que très brouillon sur les bords, prouvent le contraire. La richesse de l'univers déployé et de certains plans s'amusant de l'absence de gravité n'a donc d'égal que la frustration qu'elle peut provoquer. On reste cependant à l'affut d'autres films du genre sur la plateforme. Quoi qu'on en dise, la SVoD pourrait être l'arme qui pourfendrait l'hégémonie américaine sur le terrain de la diffusion des blockbusters. Destruction Finale et Space Sweepers ont prouvé récemment que le cinéma coréen populaire avait son mot à dire. Netflix a largement les moyens de prêcher sa bonne parole.

Dates de sortie clés
  • Black Widow (2021)Date de sortie: May 07, 2021
  • Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings (2021)Date de sortie: Jul 09, 2021
  • Eternals (2021)Date de sortie: Nov 05, 2021
  • Spider-Man: Homecoming 3 (2021)Date de sortie: Dec 17, 2021
  • Doctor Strange in the Multiverse of Madness (2022)Date de sortie: Mar 25, 2022
  • Thor: Love and Thunder (2022)Date de sortie: May 06, 2022
  • Black Panther 2 (2022)Date de sortie: Jul 08, 2022
  • Captain Marvel 2 (2022)Date de sortie: Nov 11, 2022